Comprendre : les interdictions de récoltes et consommation des coquillages

Les fermetures et réouvertures des zones de pêche à pied semblent s’enchainer ces dernières semaines : Quelle zone ? Quels coquillages ? Quelle raison ? Quelles conséquences ? Reprenons les bases.

> Les sites de pêche à pied sont classés en « zones» : la mer d’Iroise, l’estran de la baie de Douarnenez, les anses de Pen Hir et de Dinan ainsi que l’anse de Camaret sont des zones de pêche professionnelle (même si la pêche récréative est autorisée) et sont donc suivies par la Direction Départementale de la Protection des Populations (DDPP) du Finistère. Le site de Morgat, ouvert uniquement à la pêche récréative, est suivi par l’Agence Régionale de Santé (ARS) Bretagne. Ces instances de contrôle sont chargées de veiller à la santé des consommateurs et réalisent donc régulièrement des analyses sur les coquillages.

> Les coquillages péchés sont eux aussi classés en « groupes», selon leur mode de vie et donc la façon dont les contaminants sont susceptibles de s’accumuler dans l’animal. Le groupe 1 regroupe les gastéropodes marins (bulots, bigorneaux…) et les échinodermes (oursins…). Ces animaux non filtreurs sont peu susceptibles d’accumuler des contaminants. Le groupe 2 regroupe les bivalves fouisseurs, qui s’enfoncent dans le sable, tels que les coques, tellines ou palourdes. Le groupe 3 regroupes les bivalves non fouisseurs, qui s’accrochent à un support, telles que les huîtres et les moules. Les animaux des groupes 2 et 3 sont des filtreurs : ils brassent en permanence l’eau de mer pour respirer et s’alimenter, et les contaminants sont susceptibles de s’accumuler dans leur organisme.

> Il existe plusieurs raisons pour lesquelles la récolte et la consommation des coquillages peut être interdite : l’interdiction peut avoir pour but d’assurer la pérennité des gisements, c’est-à-dire éviter un pillage de la ressource et permettre la reproduction des animaux, auquel cas elle est anticipée et se prolonge souvent toute une saison voire plusieurs années. L’interdiction peut également avoir pour but de protéger la santé du consommateur. Dans ce cas, le seuil d’alerte sanitaire de certains contaminants mesurés dans les coquillages a été dépassé. Ces contaminants sont de trois natures différentes, qui ne nécessitent pas les mêmes mesures de gestion.

  • La contamination bactériologique, fréquente après de fortes pluies, résulte d’un transfert de bactéries depuis la terre vers la mer via les cours d’eau. Ces bactéries peuvent provenir du débordement de stations d’épuration des eaux usées ou du lessivage de sols agricoles sur lesquels a été épandu du lisier par exemple. Dans ce cas, c’est la quantité d’Escherichia coli (une bactérie fécale) qui est excessive. La consommation des coquillages contaminés risque de provoquer une intoxication alimentaire pouvant avoir des conséquences graves pour les personnes à risques. La cuisson à cœur pendant quelques minutes à 60°C permet d’assurer une destruction importante (mais pas totale) de ces bactéries. Cette contamination bactérienne étant issue des activités humaines, il est possible de la réguler en améliorant les systèmes d’assainissement par exemple. Les fermetures pour cause de contamination bactérienne sont souvent concomitantes avec les interdictions de baignade, puisqu’elles ont les mêmes causes.
  • La contamination par des phycotoxines est provoquée par l’accumulation de toxines produites par certaines espèces de plancton marin. Pour des raisons encore mal connues, ces espèces peuvent parfois fortement se développer (on parle de « bloom »), augmentant ainsi la quantité de toxines produites et susceptible de s’accumuler dans les coquillages. Ces phycotoxines sont de plusieurs sortes (amnésiantes, diarrhéiques ou paralysantes). La consommation de coquillages contaminés peut provoquer une intoxication alimentaire ou avoir un impact sur le système nerveux du consommateur (fourmillements, nausée, voire comas). Les toxines ne sont pas détruites par la cuisson. Les blooms de phytoplancton ne sont pas à priori directement causé par les activités humaines du territoire, il n’est pas donc pas possible de les prévenir
  • La contamination chimique correspond à une accumulation de certaines molécules telles que des métaux, résidus de médicaments, pesticides… Elles ont pour origine des rejets industriels ou agricoles et sont véhiculées par les fleuves, le transport maritime et les activités portuaires. La contamination chimique des coquillages est plus souvent la conséquence d’évènements accidentels, comme le déversement d’hydrocarbures lors d’une marée noire. De tels évènements peuvent entrainer la fermeture de la pêche à pied pendant plusieurs années.

> Les analyses concernant ces trois familles de contaminants ne sont pas réalisées à la même fréquence ou sur tous les sites. Par principe de précaution, une zone est fermée pour tous les coquillages dès que l’un des seuils d’alerte est dépassé (un contaminant sur un groupe de coquillages). La réouverture est ensuite progressive au fur et à mesure des nouvelles analyses réalisées, d’où la publication de plusieurs arrêtés consécutifs.

> Les règles encadrant la pêche à pied ne sont pas les mêmes selon qu’il s’agisse de pêche professionnelle ou récréative. En effet, les coquillages issus du commerce peuvent bénéficier d’un processus de purification. A l’inverse, les animaux pêchés par les particuliers sont consommés immédiatement, et souvent crus, ce qui présente plus de risque pour le consommateur.

> La fermeture d’un site de pêche à pied est encadrée par un arrêté préfectoral, qui doit être relayé par les communes et affiché sur les sites de pêche. Les consignes de pêche actualisées quotidiennement sont accessibles sur un site internet dédié.

Article publié en mai 2024.