L’eutrophisation constitue l’une des principales menaces pesant sur la santé des systèmes côtiers à l’échelle mondiale.
Financé par l’Agence nationale de la recherche et coordonné par l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), le projet GreenSeas (2023-2026) vise à soutenir la prise en charge de ce problème par les parties prenantes et les institutions, en traitant d’un cas d’eutrophisation côtière emblématique et complexe, celui de la Bretagne.
La Bretagne est l’une des plus touchées en Europe par l’eutrophisation côtière : depuis les années 1970, elle connaît d’importantes marées vertes, c’est-à-dire des proliférations d’algues favorisées par l’apport excessif de nutriments à la mer par les cours d’eau. Dans les bassins versants, cette charge en nutriments est liée aux pollutions diffuses, principalement d’origines agricoles. Les marées vertes ont progressivement acquis une large visibilité auprès du grand public.
La réduction des flux de nutriments vers la mer a constitué l’objet d’action principal des politiques publiques de lutte contre les marées vertes déployées depuis une trentaine d’années. Des mesures spécifiques sont mises en œuvre dans les baies les plus touchées, en particulier depuis 2010 dans le cadre de Plans de lutte contre les algues vertes.
Depuis les années 1980, la recherche scientifique a joué un rôle clé dans l’identification des causes des marées vertes, des mécanismes de circulation des nutriments dans les bassins versants, des espaces et des pratiques à risque en matière agricole, et des objectifs à poursuivre pour espérer une diminution significative de l’eutrophisation. Les modélisations du fonctionnement des bassins versants et du milieu marin côtier se sont affinées et ont permis de conforter les politiques de réduction des flux de nutriments.
Des résultats positifs sont observables. Cependant, ils restent insuffisants dans la majorité des cas pour atteindre un bon état écologique des eaux côtières. Ceci fragilise la légitimité des actions entreprises et expose les parties prenantes à des mises en cause récurrentes. De ce fait, il est aujourd’hui nécessaire de reconsidérer les connaissances scientifiques à produire pour accompagner les territoires touchés par l’eutrophisation littorale. Ces recherches doivent non seulement prendre en compte les processus hydrologiques, biogéochimiques et écologiques en jeu, mais aussi considérer la diversité des vécus de l’eutrophisation, la richesse des savoirs professionnels et militants constitués au cours du temps, les dimensions politiques de la gestion des pollutions diffuses, ainsi que l’accélération des changements globaux touchant les milieux côtiers.
Dans ce contexte, l’objectif poursuivi par GreenSeas est de reconstituer les adaptations passées et présentes des systèmes côtiers exposés de longue date à l’eutrophisation, et les voies de leur évolution vers des trajectoires futures plus soutenables et équitables.
Fruit de collaborations de long terme et d’échanges nourris entre les parties prenantes et des chercheur.es issu.es d’une diversité de disciplines scientifiques, GreenSeas va s’appuyer sur une approche rétrospective et une analyse transversale de la trajectoire de territoires côtiers à l’eutrophisation. Cette analyse partagée des trajectoires passées permettra aussi de soutenir les réflexions sur les possibilités d’évolution future des territoires. Deux questions seront en particulier examinées :
─ dans quelles conditions l’expérience sur le long terme des dommages environnementaux et de la conflictualité liée à l’eutrophisation peut-elle favoriser l’émergence de stratégies d’adaptation efficaces aux problèmes environnementaux plus larges liés aux changements globaux (changement climatique, érosion de la biodiversité…) ?
─ l’accent mis sur l’élément azote dans la résolution du problème de l’eutrophisation permet-il ou empêche-t-il de traiter et de prendre en compte d’autres questions centrales de durabilité pour les territoires concernés ?
L’EPAB est un des partenaires principaux de GreenSeas. Les actions communes avec les 9 équipes scientifiques impliquées dans le projet ont débuté au cours du premier trimestre 2023 en baie de Douarnenez: recueil de témoignages sur les transformations des systèmes de production, des paysages et sur l’évolution des marées vertes au cours du temps, échanges avec les élu.es et les agriculteur.rices du territoire, fouilles d’archives et reconstitution des chroniques relatives à la qualité de l’eau depuis les années 1950…Les interactions et les rencontres se poursuivront tout au long du projet. N’hésitez pas à consulter le site Internet du projet GreenSeas pour en savoir plus, partager vos observations et vos réflexions, ou pour contacter l’équipe scientifique !