Une marée verte correspond à un développement important d’algues qui s’échouent ensuite de manière importante sur le littoral.
Qu’est-ce qu’une marée verte ?
Le développement des algues – quelles qu’elles soient – est régi par les conditions environnementales du milieu dans lequel elles vivent. Lorsque celles-ci sont favorables, les algues naturellement présentes dans l’eau se multiplient, parfois dans des proportions impressionnantes, et produisent des « bloom ». Cette surproduction d’algues est le signe d’un déséquilibre de l’écosystème et signifie que rien ne vient réguler leur développement : on parle d’eutrophisation du milieu.
Les marées vertes qui se produisent sur le littoral Atlantique français sont des blooms de certaines espèces d’algues du genre Ulva. Généralement, ces algues présentent une forme de lame, on les appelle alors « ulves ». Depuis quelques années, on observe également d’autres formes d’Ulva (en ruban ou filamenteuses, appelées « entéromorphes »), et d’autres genres d’algues vertes comme Ulvata et Cladophora, voire des algues brunes ou rouges, qui restent généralement minoritaires face à la quantité d’ulves.
Pourquoi est-ce un problème ?
Les couches d’algues échouées peuvent parfois atteindre plusieurs dizaines de centimètres d’épaisseur, surtout en cas d’échouages successifs sans ramassage. Une croute blanchâtre se forme à la surface, et sous cette croûte s’accumule un gaz produit par le pourrissement de la matière organique : le sulfure d’hydrogène (H2S). Libéré en grande quantité lorsque la croûte est fracturée (par exemple en marchant dessus), ce gaz toxique peut provoquer nausée, vertiges et difficultés à respirer. Le phénomène est signalé sur les plages bretonnes au début des années 1950. La mort de plusieurs animaux, notamment de sangliers et de chevaux au début des années 1970, a terminé d’alerter sur la dangerosité du phénomène. Au-delà de l’enjeu sanitaire, l’aspect peu esthétique des marées vertes dégrade également l’image du territoire. Le phénomène a donc un impact important sur le tourisme et l’économie locale, en plus de ses conséquences néfastes pour la santé et la biodiversité.
Quelles sont les causes de ce déséquilibre ?
Les espèces du genre Ulva vivent naturellement dans l’eau de mer, fixées sur un support tel que des rochers ou des épaves. Si elles sont arrachées de leur support, par exemple lors d’une tempête, elles peuvent survivre pendant une certaine période de manière « libre » dans la colonne d’eau. Dans certains endroits comme la baie de Douarnenez, elles rencontrent des conditions favorables qui vont leur permettre de survivre et même de se multiplier sous cette forme. Ces conditions sont liées à la géographie et à la dynamique de la baie, qui en font un espace sensible au phénomène d’eutrophisation :
- elle est abritée de la houle et des courants qui pourraient emporter les ulves libres vers le large ;
- la faible profondeur d’eau et le littoral en pente douce permettent une bonne pénétration de la lumière dans l’eau et une température élevée, ainsi qu’un accès facilité aux nutriments contenus dans le sédiment ;
- le faible renouvellement de l’eau favorise également la température chaude, mais permet aussi d’accumuler les nutriments terrigènes (issus de la terre) apportés par les cours d’eau.
Puisque la géomorphologie de la baie est très peu variable, il reste trois critères qui peuvent réguler le développement des algues, et qui sont donc appelés « limitants » : la luminosité, la température, et la quantité de nutriments disponibles, essentiellement en nitrates (les autres nutriments restent disponibles dans des quantités suffisantes tout au long de l’année).
Sur la période de mai à septembre, la luminosité et la température sont idéales, et le seul facteur limitant est la quantité de nitrate qui arrive dans la baie via les cours d’eau. Le phénomène des marées vertes a donc une origine terrestre : c’est la trop grande quantité d’azote drainée par les cours d’eau, et donc rejetée par les activités humaines, qui en est la cause.
Comment lutter contre les marées vertes ?
Gestion curative
Afin d’assurer la sécurité de la population et limiter les nuisances, les communes ont l’obligation de ramasser les algues échouées sur leurs plages dans un délai de 3 jours. Le sulfure d’hydrogène n’a pas alors le temps de se former dans des concentrations dangereuses. Si le ramassage est impossible la plage doit être fermée. En baie de Douarnenez, les algues ramassées sont compostées dans trois unités de gestion à Douarnenez, Crozon et Plonevez-Porzay. Ce compost peut être valorisé en agriculture ou dans le jardinage, et il est mis gratuitement à disposition des utilisateurs.
Au-delà du coût humain et matériel de ces opérations de ramassage, les engins employés ne peuvent pas intervenir partout, et sont donc inutilisables sur les galets par exemple. De plus, ils ne sont pas sélectifs : la laisse de mer (coquillages, bois flottés, algues), pourtant essentielle à la biodiversité littorale, est détruite elle aussi. La seule gestion curative ne peut donc pas être une solution au phénomène.
Gestion préventive
La gestion préventive consiste à réduire les flux d’azote vers la baie, afin de limiter la surproduction d’algues. Il s’agit de l’une des missions principales de l’EPAB. Elle consiste en quatre points :
- Suivre les concentrations de nitrates dans les cours d’eau et participer à la compréhension de la dynamique du phénomène ;
- Localiser les sources, qui sont essentiellement domestiques (assainissement collectif ou non collectif) et agricoles ;
- Accompagner les agriculteurs vers des pratiques culturales qui nécessitent moins d’azote ou limitant les « fuites » d’azote dans les cours d’eau : mise en place de haies, de talus, de couvert végétaux… ;
- Soutenir la capacité épuratoire des milieux naturels en restaurant les zones humides et les cours d’eau.
Ainsi, l’EPAB contribue localement à un plan d’action à plus grande échelle : le Plan de Lutte contre la prolifération des Algues Vertes (PLAV), coordonné par l’Etat. Couvrant les 8 baies « Algues Vertes » françaises, le PLAV 3 se déroule actuellement sur 2022-2027.
Il faut garder à l’esprit que les effets bénéfiques des actions menées ne sont pas forcément visibles immédiatement. Le temps de réponse du milieu naturel peut être de plusieurs années, voire plusieurs décennies dans le cas des eaux souterraines qui ont été polluées par le passé et dont les capacités d’épurations sont plus limitées que les eaux de surface. On constate tout de même une diminution des concentrations de nitrates dans les cours d’eau et des quantités d’azotes circulant vers la baie, même si des progrès sont toujours nécessaires. (voir la page « résultats de la qualité de l’eau »)
Comment évaluer l’ampleur du phénomène ?
Notons dans un premier temps qu’il est difficile de comparer les années entre elles, car le nombre de variables à prendre en considération un très important : les conditions météorologiques et climatiques pendant et avant la belle saison, la conservation d’un stock potentiellement mobilisable, la pluviométrie, les températures dans l’air et dans l’eau… L’analyse du phénomène des marées vertes est complexe, et seules des tendances sur des chroniques longues de données permettent de tirer des conclusions fiables.
Les volumes et quantités ramassés
Les communes responsables des ramassages font remonter de manière hebdomadaire à la DDTM les volumes et tonnages des algues ramassées. Un bilan de la saison estivale est réalisé par la suite. Cet indicateur n’est cependant pas le plus pertinent. En effet, les ramassages sont conditionnés par les moyens matériels et financiers d’une part, et par les conditions climatiques d’autre part. Il omet les algues qui n’ont pas pu être ramassées, mais inclut les algues de la laisse de mer qui ne participent pas au phénomène. Il présente cependant l’avantage d’être facilement accessible et donne une idée globale de la situation.
La mesure des surfaces d’échouages des algues vertes
Les surfaces d’échouages sont mesurées tous les mois par photographie aérienne de février à octobre. Ce suivi est financé par l’Agence de l’Eau Loire Bretagne dans le cadre de l’application de la DCE (Directive Cadre Européenne) pour évaluer l’état écologique des masses d’eau.
Ce survol permet de calculer un indicateur biologique normalisé propre aux marées vertes qui est calculé à partir des surfaces mesurées : l’EQR. Il est basé sur la surface moyenne, la surface maximale, et la fréquence des échouages. Cet indicateur permet de classifier la masse d’eau selon les 5 classes de qualité biologique DCE (voir arrêté du 27 juillet 2015, p59).
Pour aller plus loin dans le calcul de cet indice, un rapport réalisé en partenariat ONEMA/CEVA/Ifremer en 2012 détaille la méthodologie utilisée.
Où trouver d’autres informations ?
Pour des informations scientifiques plus détaillées, n’hésitez pas à consulter les pages consacrées par le CEVA (Centre d’Etudes et de Valorisation des Algues) sur le sujet :
Mais également le site du PLAV pour des informations sur les moyens engagés.